Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je ne comprends pas, dit-elle, en soupirant de nouveau.

« La pauvre, la chérie, comment a-t-elle pu changer ainsi ? » songeait Nekhludov, se rappelant Nathalie jeune fille et éprouvant pour elle un sentiment de tendresse mêlé à de nombreux souvenirs d’enfance.

À ce moment Ignace Nikiforovitch entra dans la chambre. Comme toujours il portait la tête haute, bombait sa large poitrine, marchait lentement, légèrement, et souriait, tandis que brillaient ses lunettes, sa calvitie et sa barbe noire.

— Bonjour ! Bonjour ! Comment allez-vous ? dit-il en accentuant les mots avec affectation. (Aussitôt après le mariage ils avaient essayé de se tutoyer mais n’y étaient pas parvenus).

Ils se serrèrent la main, et Ignace Nikiforovitch s’installa doucement dans un fauteuil.

— Je ne suis pas de trop ?

— Non. Je ne cache à personne ce que je dis ni ce que je fais.

Dès l’instant que Nekhludov revit ce visage, ces mains velues, entendit ce ton de voix protecteur et suffisant, sa disposition bienveillante s’évanouit.

— Oui, nous parlons de ses intentions, dit Nathalie Ivanovna. Veux-tu du thé ? demanda-t-elle en prenant la théière.

— Volontiers. Et quelles sont ses intentions ?

— Aller en Sibérie avec le convoi des prison-