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la connaissance dans la prison, Okhotine. Fils naturel d’une prostituée, élevé à l’asile, jusqu’à trente ans, à coup sûr, il n’avait jamais rencontré d’hommes doués de sentiments moraux supérieurs à ceux des agents de police et s’était affilié dès sa jeunesse à une bande de voleurs. Avec cela il possédait un extraordinaire talent de comique qui lui gagnait les sympathies de tous. Et tandis qu’il sollicitait la protection de Nekhludov, il ne pouvait s’empêcher de railler et soi-même, et les juges, et la prison, et toutes les lois, non seulement pénales, mais divines. Un autre, un beau garçon, Fédorov, avait, à la tête d’une bande, tué et volé un vieux fonctionnaire. Son père, un paysan, avait été contre toute justice dépossédé de sa maison, et lui, étant au régiment, avait été châtié pour être tombé amoureux de la maîtresse d’un officier. C’était une nature ardente et sympathique, avide de jouissances. Dans le cours de son existence jamais il n’avait vu les hommes préoccupés d’autre chose que de jouir, et jamais il n’avait entendu dire qu’il y a pour l’homme d’autre but dans la vie que le plaisir.

Pour Nekhludov, il était clair que c’étaient là deux riches natures, dégénérées faute de soins, telles des plantes qu’on délaisse. Il avait vu aussi un vagabond et une femme, effrayants par leur abrutissement et presque leur cruauté, mais il ne retrouvait ni dans l’un ni dans l’autre ce type cri-