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Le médecin en chef qui traversait à ce moment le corridor entendit le bruit du verre cassé et aperçut Maslova toute rouge qui franchissait rapidement la porte, et il s’écria avec humeur :

— Eh ! toi, ma petite, si tu fais tes manières, j’aurai vite fait de te congédier d’ici ! Que s’est-il passé ? demanda-t-il à l’aide-chirurgien en le regardant sévèrement par-dessus ses lunettes.

Celui-ci, avec un sourire, se mit à se justifier.

Mais le docteur ne le laissa pas achever ; il leva la tête pour le regarder cette fois à travers ses lunettes et s’éloigna, et le même jour il demanda au directeur de la prison de lui envoyer à la place de Maslova une infirmière plus sérieuse.

Voilà ce qui s’était passé entre Maslova et l’aide-chirurgien. Son renvoi de l’hôpital motivé par ses manières avec les hommes était particulièrement pénible à Maslova, car, depuis qu’elle avait retrouvé Nekhludov, les relations sexuelles qui depuis longtemps lui répugnaient, lui inspiraient maintenant un insurmontable dégoût. Elle était désolée, au point d’en verser des larmes d’attendrissement sur elle-même, de ce qu’en raison de son passé et de sa situation actuelle, chacun, y compris l’aide-chirurgien bourgeonné, se croyait le droit de l’offenser et s’étonnait de ses résistances. Aussi, en se rendant auprès de Nekhludov, voulait-elle se justifier de l’accusation mensongère qu’il devait certainement connaître. Mais, aux premiers