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de femme dépravée afin de tirer de lui le meilleur parti possible. Il lui semblait maintenant avoir remarqué, lors de sa dernière entrevue avec elle, les indices de cette perversité désormais certaine. Tout cela se heurtait dans son esprit pendant que, machinalement, il remettait son chapeau et sortait de l’infirmerie. « Que faire maintenant ? se demandait-il. Suis-je lié à elle ? Ne suis-je pas rendu libre maintenant par le fait de sa conduite ? » Mais aussitôt cette question posée, il comprit qu’abandonner Maslova, se croire libre, ce n’était pas la punir, ce qu’il désirait, mais se punir soi-même. Et cette idée l’épouvanta.

« Non ! loin de modifier ma résolution, cela ne peut que l’affermir. Quelle agisse à son gré. Ses intrigues avec l’aide-chirurgien, eh bien ! c’est son affaire. La mienne, à moi, est d’obéir à ma conscience, se disait-il. Or ma conscience exige le sacrifice de ma liberté pour le rachat de ma faute. Ma décision de l’épouser, et de la suivre partout où elle ira demeure inébranlable, » se disait-il, avec une obstination irritée, en se dirigeant d’un pas ferme vers la grande porte de la prison. Arrivé là, il pria le gardien de service d’avertir le directeur qu’il désirait voir Maslova. Le gardien qui connaissait Nekhludov lui communiqua une grande nouvelle : le capitaine avait demandé sa retraite, et un autre directeur, très sévère, venait de le remplacer.