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tères, se souciaient peu que des innocents eussent à souffrir de cet ordre de choses, mais se préoccupaient uniquement d’écarter tous les dangereux.

Loin d’observer le principe d’absoudre dix coupables plutôt que de condamner un innocent, on s’en tenait à celui-ci : de même que pour extirper une partie gangrénée il faut tailler dans la chair vivante, de même il faut retrancher dix inoffensifs pour arriver à châtier un seul individu vraiment dangereux.

Nekhludov s’expliquait les choses très simplement et très clairement, mais précisément cette simplicité et cette clarté lui faisaient craindre pour l’exactitude de cette explication. Il était impossible qu’un phénomène aussi compliqué pût avoir une explication à la fois si simple et si effrayante ; il était impossible que tous ces mots sur la justice, le bien, la loi, la foi, Dieu, etc., ne fussent que des paroles cachant la vénalité la plus grossière et la plus cruelle.