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terrible me pesa sur le cœur. Je me souviens qu’une chose m’avait particulièrement frappée : l’officier de gendarmerie, pendant qu’il m’interrogeait, m’avait proposé de fumer. Il savait donc que les gens ont besoin de fumer ; il savait donc aussi qu’ils aiment la liberté et la lumière ; que les mères aiment leurs enfants et les enfants leurs mères. Alors comment avaient-ils pu m’arracher impitoyablement à tout ce qui m’était cher et m’enfermer comme une bête féroce ? Il est impossible de passer par-là, sans qu’il en reste quelque chose. Celui qui croyait en Dieu, et aux hommes, et à l’amour des hommes entre eux, après cela n’y croit plus ! Depuis j’ai cessé de croire aux hommes, et je leur ai gardé rancune, dit-elle, puis sourit.

À la porte par laquelle était sortie Lydie, reparut la mère qui annonça que sa fille, trop énervée ne pouvait revenir.

Pourquoi, sans raisons, ont-ils perdu cette jeune vie ? dit la tante ; et la pensée que j’en fus la cause involontaire me fait souffrir encore davantage.

— Cela passera. L’air de la campagne la remettra, dit la mère. Nous l’enverrons chez son père.

— Oui, sans vous elle était bien perdue, reprit la tante. Merci. Et maintenant voici pourquoi j’ai désiré vous voir. Ne pourriez-vous remettre cette