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— Pétrov, c’est un mouchard, un gendarme et un grand misérable ! dit la tante pour expliquer à Nekhludov les paroles de sa nièce.

— Alors ce Pétrov, reprit Lydie avec émotion et volubilité, essaya de m’amadouer : « Ce que vous direz ne pourra nuire à personne, me disait-il. Au contraire, si vous parlez, vous délivrerez des innocents que, peut-être, nous faisons souffrir injustement ». Quand même j’ai déclaré que je ne dirais rien. Alors il m’a dit : « Soit, ne dites rien, mais au moins si je dis vrai, ne niez pas. » Et il se mit à citer des noms, parmi lesquels celui de Mitine.

— Mais ne parle plus de cela, interrompit la tante.

— Ah ! ma tante, laissez-moi dire… et, sans cesser de tirailler sa mèche de cheveux en regardant autour d’elle, Lydie continua : Et figurez-vous que le lendemain j’apprends par les coups frappés dans la cloison, que Mitine est arrêté. « C’est moi qui l’ai livré ! » me dis-je. Et cette pensée m’a tellement torturée, tellement, que j’ai failli en devenir folle.

— Mais c’est prouvé que tu n’es pour rien dans son arrestation, dit la tante.

— Oui, mais moi, je l’ignorais, et je ne cessais de penser : « C’est moi qui l’ai livré ! » Je marchais de long en large dans ma cellule et je ne pouvais m’empêcher de penser : « Je l’ai livré ! »