Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Rien ne m’est plus pénible que de penser que certaines personnes, à l’estime desquelles je tiens, me jugent d’après la situation que j’occupe, dit-elle.

Elle semblait prête à pleurer en prononçant ces derniers mots. Et ces mots, bien que n’ayant à la réflexion aucune signification ou une signification assez vague, semblèrent à Nekhludov pleins de profondeur, de franchise, et de bonté, tant l’attirait ce regard brillant qui accompagnait les paroles de la jeune, jolie et élégante femme.

Nekhludov la contemplait en silence et ne pouvait détacher ses regards de son visage.

— Vous croyez peut-être que je ne vous comprends pas, que je ne comprends pas ce qui se passe en vous ? Ce que vous avez fait tout le monde le sait ; c’est le secret de polichinelle ! Je vous admire et vous approuve.

— Il n’y a pas de quoi. J’ai fait si peu encore.

— N’importe ! Je comprends vos sentiments, et les siens à elle… Bien, bien. Je ne vous en parlerai plus, fit-elle, remarquant quelque mécontentement sur son visage. Et je comprends aussi qu’ayant vu de près les souffrances et l’horreur des prisons, reprit Mariette, ne songeant qu’à une chose, l’attirer à elle, et devinant, par son instinct de femme, tout ce qui pour lui était précieux et important, vous désiriez venir en aide à ceux qui souffrent si cruellement, qui souffrent de la cruauté