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l’orthodoxie, dans laquelle il était né et avait été élevé, à laquelle tout son entourage exigeait qu’il crût, et sans laquelle il ne pouvait continuer à se rendre utile aux hommes, il avait déjà décidé la réponse. C’est pourquoi, au lieu d’avoir recours, pour s’éclairer, aux ouvrages de Voltaire, de Schoppenhauer, de Spencer, de Comte, il avait pris les oeuvres philosophiques de Hégel, les ouvrages religieux de Vinet et de Khomiakov. Naturellement, il avait trouvé là ce qu’il cherchait : un semblant d’accalmie, la justification de la doctrine religieuse dans laquelle il avait été élevé, que depuis longtemps sa raison n’admettait plus mais qui devait écarter d’un coup tous les désagréments. Il s’était assimilé tous les sophismes habituels : que la raison d’un seul individu ne peut connaître la vérité ; que la vérité n’est révélée qu’à l’ensemble des hommes ; que la révélation seule peut la faire connaître ; que la révélation est confiée à l’Église, etc. À dater de ce moment, n’ayant plus conscience du mensonge, il put assister tranquillement aux messes, vêpres, matines, il put communier, faire des signes de croix devant les icônes, garder son emploi, qui lui procurait la satisfaction du devoir accompli et la consolation de ses ennuis domestiques. Il croyait avoir la foi et, cependant, il sentait plus que jamais, par tout son être, que sa foi n’était encore « pas ça ». C’est pourquoi ses yeux étaient toujours tristes. En apercevant