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sion ordinaire, sinon l’absence de tout désir de se comprendre, la lutte constante, silencieuse, cachée aux étrangers et tempérée par les convenances, tout cela rendait pénible à Sélénine la vie de famille. De sorte que c’était encore moins « ça » que son emploi et sa charge à la cour.

Mais ce qui, surtout, n’était « pas ça », c’était la question religieuse. Comme tous les hommes de son monde et de son temps, Sélénine avait rompu sans le moindre effort, en raison de son développement intellectuel, les liens des superstitions religieuses dans lesquelles il avait été élevé, et lui-même n’aurait su dire à quel moment il s’en était affranchi. Étant à l’Université, à l’époque de son amitié avec Nekhludov, honnête, sérieux, il ne cachait nullement son affranchissement des superstitions de la religion officielle.

Mais avec les années et l’avancement hiérarchique, surtout avec le mouvement réactionnaire qui s’instaura alors dans la société, cette liberté morale lui était devenue gênante. Outre des obligations familiales : la mort de son père et ses funérailles religieuses, le désir de sa mère de le voir communier, ce que l’opinion publique aussi réclamait de lui, par sa situation même il était forcé, à chaque instant, d’assister à quantité de cérémonies religieuses, inaugurations, actions de grâces, etc., et il ne se passait guère de jour sans qu’il fût obligé de prendre part à quelque manifestation