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Ce fut là qu’il entra. Mais, bien qu’apportant à sa tâche tous les soins et les scrupules possibles, il n’éprouva point la satisfaction d’être utile comme il le souhaitait, ni la conscience de remplir son devoir. Ce mécontentement fut aggravé par des dissentiments avec son supérieur hiérarchique, un homme mesquin et vaniteux, si bien qu’il dut donner sa démission pour entrer au Sénat. Là il se trouva mieux, bien que sa conscience ne fût pas encore satisfaite. Il ne cessait de sentir que ce qu’il faisait n’était pas du tout ce qu’il avait espéré et ce qui devait être. Pendant qu’il servait au Sénat, ses parents obtinrent pour lui une nomination de gentilhomme de la Chambre, et, en uniforme brodé et tablier de toile blanche, il dut aller, en calèche, se présenter chez quantité de gens, pour les remercier de l’avoir élevé à la dignité de laquais. Mais quelque effort qu’il fît, il ne pouvait trouver une justification raisonnable de cette fonction. Il sentait encore plus que dans son précédent emploi que ce n’était pas ça, et cependant, d’une part, il ne pouvait refuser cette nomination, ne voulant pas contrister les personnes qui avaient pensé lui faire une grande joie ; d’autre part, elle flattait les instincts inférieurs de sa nature, et ce n’était pas sans satisfaction qu’il voyait se réfléchir dans la glace son uniforme tout brodé d’or et qu’il remarquait le respect provoqué, chez certaines personnes, par cette nomination.