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— Tu es probablement descendu chez ta tante ? demanda Sélénine pour changer de sujet de conversation. C’est hier que j’ai appris par elle que tu étais ici. La comtesse m’avait invité à venir assister avec toi, chez elle, à la conférence du nouveau prédicateur, ajouta-t-il en souriant des lèvres.

— J’y étais en effet, mais n’y suis pas resté. Quel écœurement ! dit Nekhludov avec humeur et mécontent que Sélénine se fût mis à parler d’autre chose.

— Pourquoi de l’écœurement ? En dépit de l’étroitesse et du fanatisme, c’est cependant la manifestation d’un sentiment religieux, dit-il.

— Une idiotie sans bornes ! s’écria Nekhludov.

— Mais non. Ce qui est étrange ici, c’est que nous soyons tellement ignorants des dogmes de notre Église que nous prenons pour une révélation quelconque nos propres dogmes fondamentaux, dit Sélénine paraissant avoir hâte d’exprimer à son ancien ami des vues nouvelles pour lui.

Nekhludov le regarda avec une attention mélangée de surprise, tandis que Sélénine baissait ses yeux qui exprimaient non seulement de la tristesse, mais de la malveillance.

— Tu crois donc aux dogmes de l’Église ? lui demanda Nekhludov.

— Parfaitement, j’y crois, répondit Sélénine, en fixant sur Nekhludov un regard droit, mais éteint.