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savait qu’elle avait épousé un arriviste, duquel il avait entendu raconter plusieurs vilaines choses, et, comme toujours, il lui était pénible de solliciter l’appui d’un homme qu’il n’estimait pas. En pareil cas, il ressentait toujours un malaise moral, un mécontentement de soi, et il se demandait : faut-il ou non s’adresser à lui ? Et toujours il décidait qu’il le devait. En outre, il sentait la fausseté de sa situation de solliciteur auprès de gens qu’il reniait et qui, eux, continuaient à le tenir pour un des leurs ; et malgré lui, dans cette société, il se sentait retomber dans l’ornière ancienne et reprenait le ton léger et immoral qui y régnait. Déjà, chez sa tante Catherine Ivanovna, il avait éprouvé cela. Ce matin, il avait pris un ton badin pour parler des choses les plus sérieuses.

En général, Pétersbourg, où il n’était pas venu depuis longtemps, produisait sur lui son action habituelle : physiquement excitante, moralement déprimante.

Tout y était si propre, si commode, si bien organisé ; les gens y étaient si dépourvus de scrupules moraux que la vie y semblait particulièrement légère.

Un superbe cocher, propre, correct, conduisit Nekhludov jusqu’à la demeure de Mariette, en passant devant de superbes agents de police, propres et corrects, sur un bon pavé très bien nettoyé, devant des maisons belles et propres.