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personne ne peut le faire si bien que lui et que les hommes lui en seront reconnaissants. Mais il ne lui peut venir l’idée de se priver pour toute la vie de la diversité agréable du travail. De même pour le maire, le mécanicien, l’écrivain, le savant.

Ce n’est qu’à nous, avec nos conceptions dépravées, qu’il semble que le seigneur punit et fait du mal s’il dégrade l’employé de bureau en simple paysan, ou si l’on déporte un ministre. En réalité on lui fait du bien, c’est-à-dire qu’on a remplacé son travail spécial, pénible, par un travail varié et agréable.

Dans les sociétés naturelles il en va tout autrement. Je connais une commune où les hommes se pourvoyaient eux-mêmes. Un des membres de cette société était plus instruit que les autres, on exigeait de lui un cours qu’il devait préparer dans la journée et faire le soir. Il le faisait avec joie, il sentait qu’il était utile aux autres et faisait une œuvre bonne. Mais fatigué d’un travail exclusivement intellectuel, sa santé s’ébranla. Les membres de la commune eurent pitié de lui et lui demandèrent de travailler aux champs.

Pour les hommes qui envisagent le travail comme l’essence et la joie de la vie, le cadre, le fondement de la vie sera toujours la lutte contre la nature : le travail agricole, les métiers, le travail intellectuel et l’établissement de l’union entre les hommes.