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étrange, terrible, même honteux de la réaliser, comme si l’accomplissement de la loi éternelle, indiscutable, pouvait être étrange et honteux. D’abord je m’imaginais que pour la réaliser, il fallait une installation particulière, une association de copenseurs, le consentement de la famille, la vie à la campagne. Ensuite je trouvais un peu honteux de me montrer devant les hommes ; je ne savais comment m’y prendre pour faire quelque chose qui était inhabituel dans notre milieu. Mais il me fallait comprendre que ce n’était pas un acte quelconque, spécial, qu’il fallût inventer et arranger, mais que cette activité n’était que le retour de la position fausse où je me trouvais à une position naturelle ; que ce n’était que la correction de ce mensonge dans lequel je vivais. Il me fallait avouer cela pour écarter toutes ces difficultés.

Arranger et attendre le consentement des autres, il ne le fallait jamais, car toujours, en quelque situation que je fusse, il y avait des gens qui nourrissaient, habillaient, chauffaient eux et moi-même, et partout, dans toutes les conditions, j’aurais pu le faire pour moi et pour eux si j’avais eu assez de temps et de forces.

Je ne pouvais non plus éprouver de fausse honte en m’occupant d’une chose inaccoutumée qui semble étonnante aux hommes, parce que, ne le faisant pas, j’éprouvais déjà de la honte, pas la fausse, mais la vraie. Et une fois arrivé à cette conscience,