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les hauteurs olympiennes, comme nous sommes habitués à le croire, il est toujours dans le trouble et dans l’émotion. Il peut décider et dire ce qui donnera le bien aux hommes, les délivrera des souffrances, et il ne l’a pas décidé, il ne l’a pas dit, et demain il sera peut-être trop tard et il mourra. Ce n’est pas celui qui est élève dans un établissement où l’on prépare les artistes et les savants (à proprement dire on en fait un destructeur de la science et de l’art) et reçoit les diplômes et la garantie matérielle, qui sera un penseur ou un artiste ; c’est celui qui serait heureux de ne pas penser et de ne pas exprimer ce qui lui est mis dans l’âme, mais ne peut se dispenser de faire ce à quoi l’entraînent deux forces invincibles : le besoin intérieur et les exigences des hommes.

Il n’y a pas de penseurs et d’artistes gras, noceurs et contents de soi.

En effet, l’art spirituel et son expression traduite aux autres c’est la vocation la plus pénible de l’homme, la croix, dit-on dans l’évangile. Et le seul indice indiscutable de la présence de cette vocation, c’est le sacrifice de soi-même, le sacrifice de soi pour manifester la force introduite en l’homme au profit d’autrui.

Enseigner combien il y a d’insectes au monde, étudier les taches du soleil, écrire un roman ou un opéra, on le peut sans souffrir. Mais apprendre aux hommes leur bien, qui consiste en l’abnégation de