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Le gouvernement installera des écoles et décrétera l’instruction obligatoire, comme en Europe ; mais l’argent, on le prendra toujours au peuple, et il travaillera encore plus, et il aura encore moins de loisirs, et par force, il n’aura pas d’instruction. De nouveau, le seul salut, c’est que le maître vive dans les conditions de l’ouvrier et enseigne pour la récompense donnée volontairement, librement.

Telle est la fausse direction de la science qui la prive de la possibilité de remplir son devoir : servir le peuple. Mais cette direction fausse de nos classes intellectuelles est encore plus évidente dans l’activité artistique qui, par son essence même, doit être accessible au peuple.

La science peut encore se retrancher derrière cette justification sotte, que la science travaille pour la science, et qu’une fois élaborée par les savants, elle deviendra accessible au peuple. Mais l’art, l’art véritable, doit être accessible à tous et surtout à ceux au nom de qui il se fait. Or la situation de l’art dénonce d’une manière frappante les forbans de l’art qui ne veulent ou ne savent être utiles au peuple. Le peintre, pour préparer ses grandes œuvres, doit avoir un atelier où pourrait travailler un artel d’au moins quarante menuisiers ou cordonniers, qui grelottent ou étouffent dans un trou. Mais c’est peu, il lui faut des modèles, des costumes, des voyages. L’académie des beaux-arts pour protéger les arts, englobe des millions pris au