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gés à faire dans le domaine des sciences et des arts, ce n’est pas nous qui l’avons fait mais les autres, et que notre place était occupée. Il est arrivé que pendant que nous discutons — comme les théologiens sur l’immaculée Conception — soit sur l’origine spontanée des organismes, soit sur le spiritisme, soit sur la forme des atomes, soit de pangenèse, soit sur la constitution du protoplasme, etc., le peuple avait besoin de nourriture spirituelle, et les fruits secs et les épaves des sciences et des arts, sur la demande d’individus dont le seul but est de gagner de l’argent, se mirent à fournir et fournissent au peuple cette nourriture spirituelle. Il y a déjà quarante ans en Europe et dix ans chez nous environ, que se répandent par millions des livres, des tableaux, des chansons. Des baraques s’ouvrent et le peuple regarde, chante, et reçoit la nourriture spirituelle, mais pas de nous qui nous sommes engagés à la lui fournir. Et nous, qui justifions notre oisiveté par cette nourriture spirituelle que, soi-disant, nous lui fournissons, nous restons assis et clignons des yeux et nous n’avons pas le droit d’agir ainsi, car notre dernière justification glisse sous nos pieds.

Nous nous sommes spécialisés. Chez nous il y a une activité particulière, fonctionnelle : nous sommes le cerveau du peuple. Il nous nourrit et nous avons pris l’engagement de l’instruire ; seulement sous le couvert de ces mots, nous nous