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Toi, ou plutôt vous (toujours plusieurs nourrissent un seul), nourrissez-moi, habillez-moi, faites-moi tout ce travail grossier que j’exige et auquel vous êtes habitués dès l’enfance, et moi je ferai pour vous le travail intellectuel que je sais faire et auquel je suis déjà habitué. Donnez-moi la nourriture corporelle et moi je vous donnerai la nourriture spirituelle. (Le calcul paraît tout à fait juste, et il le serait si l’échange de services était libre, si ceux qui fournissent la nourriture corporelle n’étaient pas obligés de la fournir avant de recevoir la nourriture spirituelle).

Le producteur de nourriture spirituelle dit : pour que je puisse vous donner la nourriture spirituelle, nourrissez-moi, habillez-moi, éloignez de moi mes ordures.

Le producteur de nourriture corporelle doit faire tout cela sans déclarer aucune exigence et donner la nourriture corporelle, bien qu’il ne reçoive pas de nourriture spirituelle. Si l’échange était libre, les conditions des uns et des autres seraient égales.

Nous sommes d’accord que la nourriture spirituelle est aussi nécessaire pour l’homme que la nourriture corporelle. Le savant, l’artiste disent : avant que nous puissions commencer à servir aux hommes notre nourriture spirituelle, il faut qu’ils nous fournissent la nourriture corporelle. Mais pourquoi le producteur de la nourriture corporelle