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et payer le salaire des hommes de science et d’art.

Si nous demandons aux hommes de la science et de l’art quel est le but de leur activité, on reçoit les réponses les plus étonnantes.

L’homme d’État peut répondre que son but est l’utilité générale et sa réponse contient une partie de vérité, affirmée par l’opinion publique.

Quand l’industriel répond que son but est le bien public, ça paraît moins probable, mais cependant, on peut le soutenir. Quant à la réponse des hommes de science et d’art, elle frappe immédiatement par son manque de preuves et son audace.

Ils disent, sans apporter aucune preuve à l’appui, comme les pontifes de l’antiquité, que leur activité est la plus importante et nécessaire pour tous les hommes et que sans elle toute l’humanité périrait. Ils affirment que c’est ainsi, bien que personne, sauf eux-mêmes, ne comprenne ni n’approuve leur activité et bien que la vraie science et le vrai art, selon leur propre définition, ne doivent avoir l’utile pour but.

Ils s’adonnent à leur occupation favorite sans se soucier de son utilité pour les autres hommes, et ils sont toujours convaincus qu’ils accomplissent l’œuvre essentielle, nécessaire pour l’humanité. Ainsi, tandis qu’un homme d’État franc, qui reconnaît que le motif principal de son activité est d’ordre personnel, tâche d’être utile, autant que possible, à l’ouvrier ; pendant que l’industriel, qui