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et viennent dans l’escalier pour servir le café, le thé, le vin, l’eau de seltz. En haut la table est garnie. On vient de finir de manger, et bientôt on recommencera jusqu’au chant du coq, jusqu’à minuit, jusqu’à trois heures de la nuit, souvent jusqu’au jour.

Les uns sont assis et fument en jouant aux cartes. D’autres sont assis et fument, tout en menant une conversation libérale. Les troisièmes vont d’un endroit à l’autre, mangent, fument et ne sachant que faire, imaginent d’aller se promener. Ils sont quinze personnes, fortes, et près de trente ouvriers et ouvrières, forts aussi, travaillent pour eux.

Et cela se passe en cet endroit où chaque heure, chaque travail d’enfant est précieux.

Et ce sera encore de même en juillet, quand les paysans, sans dormir, couperont l’avoine la nuit pour qu’elle ne perde pas ses grains ; quand les femmes se lèveront en pleine nuit pour battre le blé et faire des liens, quand cette vieille, déjà tout à fait écrasée par le travail de la moisson, et des femmes enceintes, et des jeunes gens se surmèneront, quand il n’y aura ni assez de bras, ni assez de chevaux, ni assez de charrettes pour ramener le blé dont se nourrissent toutes les gens, et dont il faut, chaque jour, en Russie, des millions de pouds pour que les gens ne meurent pas. Pendant ce temps, la vie des maîtres que nous avons décrite, continue : il y aura des théâtres, des pique-niques, des chasses, des ri-