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Du côté du fleuve, quelque chose faisait du bruit et au delà les arbres du jardin Nieskoutchnï montraient leur teinte bleue. Les moineaux, devenus roux et qu’on ne remarquait pas l’hiver, frappaient par leur gaîté. Les hommes aussi voulaient être gais, mais tous avaient trop de soucis. On entendait les sons des cloches, et à travers ces sons qui se confondaient, arrivaient, de la caserne, les sons du tir, le sifflement des balles et leur choc contre les cibles.

J’étais arrivé au poste. Là quelques hommes armés, des agents, me conduisirent à leur chef. Lui aussi était armé du sabre et d’un pistolet, et donnait un ordre à propos d’un vieillard déguenillé, tremblant qui était devant lui, et qui, de faiblesse, ne pouvait répondre nettement à ce qu’on lui demandait. Quand il eut fini avec le vieux il s’adressa à moi. Je m’informai de la fille de la veille. D’abord il m’écouta attentivement, ensuite il sourit parce que je ne connaissais ni les règlements, ni pourquoi on l’avait emmenée au poste, et surtout parce que j’étais étonné de sa jeunesse.

— Mais permettez, il y en a souvent de douze, treize, quatorze ans, dit-il gaîment.

À ma question sur celle de la veille, il m’expliqua que probablement toutes étaient expédiées au comité des mœurs (je crois que ça s’appelle ainsi) ; et quand je demandai où elles passaient la nuit, il répondit vaguement, et de celle dont je parlais il