Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle grogna quelque chose et fit ce qu’elle voulait.

D’une main elle tenait une cigarette courbée, de l’autre des allumettes. Je m’arrêtai derrière. J’avais honte de passer devant et honte aussi de m’arrêter à la regarder. Cependant je m’y décidai et m’approchai. Elle s’appuyait l’épaule contre la claie et, sur elle, raclait des allumettes qui ne s’enflammaient pas, et les jetait. J’examinai son visage. Elle était chétive, mais il me sembla que c’était une femme d’un certain âge. Je lui donnais environ trente ans. Son visage était de couleur sale, ses yeux petits, vagues, avinés, le nez camard ; de la salive se montrait au coin de ses lèvres ; une mèche de cheveux secs sortait du fichu. Sa taille était longue et plate, ses jambes et ses bras courts. Je m’arrêtai en face d’elle. Elle me regarda et sourit comme si elle devinait mes pensées.

Je sentis qu’il fallait lui dire quelque chose ; je voulais lui montrer que je la plaignais.

— Avez-vous des parents ? — lui demandai-je.

Elle eut un rire rauque qu’elle interrompit brusquement, puis souleva les sourcils et me fixa.

— Avez-vous des parents ? — répétai-je.

Elle sourit d’un air de dire : « En voilà des histoires qu’il invente. »

— J’ai une mère, dit-elle. Et, qu’est-ce que ça te fait ?

— Quel âge avez-vous ?