Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préfèrent ne rien dépenser pour sa construction, ou qui, du moins, pensent ainsi.

L’obligation imposée à ces gens de participer à la construction de ce pont peut-elle faire que le pont devienne pour eux un bien ? Évidemment non. Ces gens qui jugent désavantageux de participer librement à la construction de ce pont trouveront cette dépense encore plus désavantageuse quand elle deviendra pour eux obligatoire. Supposons même que tous, sans exception, nous soyons tombés d’accord pour construire le pont et que nous ayons promis tant d’argent, ou tant de travail par tête. Mais il arrive que quelques-uns de ceux qui avaient promis ne donnent pas ce qui était convenu, parce que, entre temps, les circonstances ont changé et sont devenues telles que maintenant, il est en effet plus avantageux d'être sans pont que de dépenser de l’argent, ou, tout simplement, ils ont réfléchi et ne veulent plus de pont, ou même, ils calculent tout bonnement que les autres se passeront de leur contribution, construiront le pont et qu’ils n’en profiteront pas moins eux aussi. Or, si l’on contraint ces gens à participer à la construction du pont, peut-il en résulter que les sacrifices qu’on leur impose de force deviennent pour eux le bien ? Évidemment non. Si ces gens n’ont pas rempli leur promesse par suite d’un changement de circonstances, si le sacrifice à faire pour le pont leur est devenu plus pénible que