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le développement de diverses sortes de monnaies en divers États, l’augmentation du pouvoir gouvernemental n’a fait que le fortifier. Ce moyen est, en notre temps, si perfectionné qu’il tend à remplacer le moyen d’asservissement foncier. C’est surtout quand cette vis se serre que se relâche celle de l’asservissement foncier, comme il est évident d’après la situation économique de toute l’Europe.

À notre mémoire nous avons vu en Russie deux passages de l’esclavage d’une forme à l’autre : quand on a affranchi les serfs et laissé aux propriétaires le droit sur une plus grande partie de terre. Les propriétaires craignaient que leur pouvoir sur les esclaves ne leur échappât, mais l’expérience montra qu’ils n’avaient qu’à laisser tomber des mains les vieilles chaînes de l’esclavage personnel et à prendre celles de l’esclavage foncier. Les paysans n’avaient pas assez de blé pour se nourrir, le propriétaire avait la terre et les réserves de blé, c’est pourquoi les paysans restaient quand même esclaves.

L’autre passage se fit quand le gouvernement, avec les impôts, a serré très fort l’autre vis, celle de l’impôt, et la majorité des ouvriers furent forcés de se vendre comme esclaves aux propriétaires et aux fabriques. Et cette nouvelle forme de l’esclavage a engrené encore plus les gens, de sorte que les neuf dixièmes du peuple russe travaillent chez les propriétaires et les fabricants