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tration locale, auparavant intègre, s’entendit très vite avec les planteurs blancs qui commençaient à gouverner le pays. Faute de paiement, les Fidjiens sont traînés devant les tribunaux et sont condamnés, sauf les dépens, à l’emprisonnement pour une durée minimum de six mois. La plantation d’un blanc qui veut bien payer l’impôt et les dépens du condamné remplace sa prison.

Ainsi les blancs ont en abondance, autant qu’ils veulent, du travail à bon marché. Au commencement on permit ce louage forcé aux travaux, pour six mois, mais ensuite les juges vendus trouvèrent la possibilité de condamner aux travaux pour dix-huit mois et ensuite de renouveler leur arrêt. Très vite, en quelques années, le tableau de la situation économique des Fidjiens changea de fond en comble. Des régions entières, florissantes, riches, étaient à moitié dépeuplées et beaucoup étaient extrêmement appauvries.

Toute la population masculine, sauf les vieillards et les malades, travaille chez les planteurs blancs, afin d’avoir l’argent nécessaire pour payer les impôts ou pour satisfaire aux arrêts de la cour. À Fidji, les femmes s’adonnent peu aux travaux agricoles ; c’est pourquoi, en l’absence des hommes, les exploitations sont ou négligées ou tout à fait abandonnées. En quelques années, la moitié de la population de Fidji s’est transformée en esclaves des colons blancs.