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les hommes, au lieu de l’idéal de la vie de travail, se pose celui de la bourse avec le rouble inépuisable. Les riches, et je suis de leur nombre, par diverses ruses se fabriquent ce rouble inépuisable, et, pour en profiter, ils vont en ville, dans ce lieu où l’on ne produit rien, et où l’on engloutit tout. Les pauvres travailleurs, dépouillés pour que les riches aient ce rouble inépuisable, aspirent à l’aller chercher à la ville, et là-bas ils s’attaquent aussi aux ruses ; alors, ou ils se font une situation telle, qu’ils peuvent, en travaillant peu, jouir de beaucoup et aggravent ainsi la situation des ouvriers, ou ils n’atteignent pas à cette situation et périssent et tombent au nombre de ces gens affamés et transis des asiles de nuit, nombre qui augmente avec une rapidité extraordinaire.

J’appartiens à cette catégorie de gens qui, par des ruses, prennent au travailleur le nécessaire, et se sont fait, par les dites ruses, ce rouble magique, inépuisable qui séduit les malheureux. Je veux aider les hommes et alors il est clair que je dois, avant tout, d’un côté, ne pas les spolier comme je le fais, et d’autre part, ne pas les séduire. Et, au lieu de cela, moi, par les ruses les plus habiles, les plus compliquées, les plus méchantes, élaborées par les siècles, je me suis fait la situation du rouble magique inépuisable, c’est-à-dire une situation dans laquelle je puis, sans jamais tra-