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que cette vie n’est pas même garantie dans ses premiers besoins, et qu’à côté de cela, la vie des classes non ouvrières, auxquelles j’appartiens, devient chaque année de plus en plus facile et luxueuse, de plus en plus assurée et arrive enfin, pour les élus à qui j’appartiens, à ce point de sécurité que les contes de fées nous présentaient jadis comme un rêve, c’est-à-dire à l’état de possesseur d’une bourse contenant un rouble inépuisable ; à cette situation dans laquelle l’homme, non seulement est complètement délivré de la loi du travail pour soutenir sa vie, mais reçoit la possibilité de profiter sans travail de tous les biens de la vie, et de transmettre à ses enfants, ou à qui il voudra, cette bourse avec le rouble inépuisable.

Je vois que les produits du travail des hommes passent de plus en plus de la classe ouvrière à la classe non ouvrière, que la pyramide de l’édifice social paraît se transformer de telle sorte que les pierres de la base montent au sommet, et que la rapidité de ce passage croît en certaine progression géométrique. Je vois qu’il se passe quelque chose de semblable à ce qui se passerait dans une fourmilière, si la société de fourmis perdait le sentiment de la loi générale, et si, de la base de la fourmilière, des fourmis traînaient les produits en haut, rétrécissaient sans cesse la base, élargissaient le sommet, et avec cela faisaient passer d’autres fourmis de la base au sommet. Je vois que devant