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du travail des autres, et moins il se donne lui-même de peine.

D’abord ce sont les Stiglitz, les Derviz, les Morozov, les Démidov, les Ussoupov, ensuite les gros banquiers, les marchands, les propriétaires fonciers, les fonctionnaires. Ensuite les banquiers moyens, les marchands, les fonctionnaires, les propriétaires fonciers, auxquels j’appartiens. Ensuite, plus bas, les petits marchands, les cabaretiers, les usuriers, les policiers, les professeurs, les chantres, les employés ; ensuite les portiers, les valets, les cochers, les porteurs d’eau, les marchands ambulants, et à la fin les travailleurs, les ouvriers de fabriques et les paysans dont le nombre est aux premiers comme dix est à un. Je vis que la vie des neuf dixièmes du peuple travailleur exige par la nature même de cette vie des efforts et du travail comme chaque vie normale, mais que, grâce aux ruses avec lesquelles on prend à ces hommes le nécessaire et les place dans des conditions difficiles, cette vie devient chaque année plus dure et plus difficile. Au contraire, notre vie, celle des gens qui ne travaillent pas, grâce au concours des sciences et des arts, dirigés exprès vers ce but, devient, d’année en année, plus luxueuse, plus attrayante, plus garantie. Je vois qu’en notre temps, bien des ouvriers et surtout des vieillards, des femmes, des enfants de la classe ouvrière se meurent par un travail accru qui ne correspond pas à la nourriture,