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XV

Je me mis à examiner l’affaire d’un troisième côté, purement personnel.

Parmi les faits qui me frappaient particulièrement au cours de mon activité bienfaisante, il y en avait un très étrange que, pendant longtemps, je ne pouvais m’expliquer. Voici ce que c’était. Chaque fois qu’il m’arriva, dans la rue ou à la maison, de donner à un pauvre, sans lui parler, une petite pièce quelconque, j’ai vu, ou il m’a semblé voir, le plaisir et la reconnaissance sur le visage du pauvre, et moi-même, j’éprouvais, par cette forme de la bienfaisance, un sentiment agréable : je voyais que je faisais ce qu’un homme désirait et attendait de moi. Mais si je m’arrêtais avec le pauvre et l’interrogeais avec bienveillance sur sa vie ancienne et actuelle, si j’entrais plus ou moins dans les détails de sa vie, je sentais que je ne pouvais plus donner trois ou vingt kopeks, je me mettais à chercher de l’argent dans ma bourse