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essentielle du salut. Et si ce n’était une condition absolue, il ne restait plus rien de précis et de clair. Je ne lisais pas seulement le Sermon sur la Montagne, je lisais tous les Évangiles avec tous les commentaires théologiques. Les explications théologiques, d’après lesquelles les sentences du Sermon sur la Montagne sont des indications de la perfection à laquelle l’homme doit tendre et que l’homme déchu, plongé dans le péché, ne peut atteindre, — le salut de l’homme est dans la foi, la prière et la grâce — ces explications ne me satisfaisaient pas. Je ne pouvais les admettre, parce qu’il me semblait trop étrange que Christ, connaissant d’avance l’impossibilité pour un homme de pratiquer sa doctrine par ses propres forces, ait donné des règles aussi admirables, aussi précises, qui s’adressent directement à chaque homme en particulier. En lisant ces paroles il me semblait toujours qu’elles étaient écrites pour moi.

En lisant ces paroles, je me sentais pénétré de la joyeuse assurance que je pouvais, sur l’heure, les mettre en pratique. Je le désirais vivement, je l’essayais, mais dès que j’éprouvais de la difficulté, je me rappelais involontairement la doctrine de l’Église : l’homme est faible, et ne peut mettre en pratique ces règles ; et je me sentais faiblir.

On me disait : il faut croire et prier.

Mais je me sentais très peu de foi, et cela m’empêchait de prier. On me disait qu’il fallait prier