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servir Dieu. Les exemples : Abraham, Job, et d’autres saints.

Dans certaines limites, il est nécessaire de se soucier des misères de la vie. Christ et les Apôtres conseillaient de travailler pour satisfaire leurs besoins, tandis que l’insouciance est toujours blâmée. Ce n’est pas l’insouciance qu’enseigne Dieu, mais il interdit les soucis exagérés[1].

Et Reuss dit[2] :

Ici il importe beaucoup qu’on ne se méprenne pas sur la portée des paroles de Jésus. Il n’a pas pu vouloir recommander la négligence et l’oisiveté, ni inspirer à qui que ce soit l’indifférence pour le travail, ou enlever à celui-ci l’honneur qui lui revient (Comp. i Cor., iv,12 ; Eph., iv, 28 ; i Thess., iv, 11 ; ii Thess., iii, 8 et suiv.)

Mais on connaît la méthode du Seigneur d’exprimer ses principes d’une manière absolue, de donner à ses maximes les formes du paradoxe, pour faire ressortir ce que les hommes ordinairement ne prennent pas le plus en considération, tandis qu’il affecte de laisser de côté ce qui s’entend de soi-même et n’a pas besoin d’être prêché avec une égale insistance. Il est de fait que les nécessités de la vie matérielle s’imposent au père de famille, et en général à l’immense majorité des hommes, avec une force telle qu’il ne risque guère de les perdre de vue. Il risque bien plus de se laisser complètement absorber par elles, non seulement dans ce sens qu’il détournerait son attention de toute autre chose et notamment de ses intérêts spirituels, mais encore de manière à oublier qu’il n’est pas seul à veiller à ses besoins de tous les jours, mais que Dieu y veille tout autant que lui, ou plutôt d’une façon

  1. Les Interprétations des évangiles, par l’archevêque Mikhaïl.
  2. Pp. 224-226.