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dit que celui-ci jugera les hommes comme ils auront jugé leurs semblables, comme si les passions, les antipathies, les préventions, qui nous dictent si souvent nos jugements, pouvaient se retrouver dans les motifs du juge suprême. Le point de comparaison ne porte pas sur les défauts comme tels, mais sur la présence ou l’absence de cet amour fraternel qui doit primer le droit strict. Il ne faut pas oublier que Dieu, le Saint et le Juste par excellence, serait autorisé à nous mettre en jugement pour chaque faute ou transgression et à nous appliquer la peine méritée, tandis que nous, qui sommes tous pécheurs, nous avons tous grandement besoin de la grâce de Dieu ; donc avant tout, il convient que nous soyons animés, nous aussi, les uns envers les autres, d’un sentiment analogue.

Sans parler de la manière dont est employé ϰριθῆται, dans le verset 37 du chapitre vi de Luc, que tous traduisent : se juger, — ϰρίνω seul pourrait encore, à la rigueur, être employé dans le sens de « juger, blâmer », bien que désignant directement : séparer le mauvais du bon, il ne signifie pas « blâmer de la langue », mais juger ou séparer ; il est uni à ϰαταδιϰάζειν, qui a l’air d’être placé exprès pour qu’on ne puisse interpréter faussement la signification des paroles — la traduction de ϰρίνειν par « condamnation » est tout à fait impossible. Le mot ϰαταδιϰάζω dont l’origine est διϰάζειν (le juge) signifie, d’après tous les dictionnaires : condamner à une punition, par jugement.

Mais c’est peu. Ces paroles suivent celles qui disent qu’il faut présenter l’autre joue, donner la chemise, etc. Chez Luc, immédiatement après,