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diable qui agit par l’homme qui fait l’offense. Alors est-ce possible qu’il ne faille pas résister au diable ? Il le faut, mais pas de la façon ordinaire, mais comme l’a ordonné le Saint Sauveur, c’est-à-dire en étant prêt à supporter le mal. De cette façon, en effet, tu vaincras le malin.

Celui qui te frappera : le sentiment de l’amour et de la bonté qui à une offense répond par la possibilité de recevoir une nouvelle offense, qui satisfait l’exigence injuste, et qui est prêt à donner à qui demande. C’est le signe particulier de ceux qui se sont perfectionnés dans l’esprit de la loi chrétienne.

Mais cela va sans dire que tous ces commandements sur le pardon des offenses, sur le renoncement à la vengeance, dirigés contre les Juifs, n’excluent pas les mesures sociales pour borner le mal et punir ceux qui le font, mais aussi les efforts particuliers, personnels, et les soins de chaque homme en vue de priver les méchants de la possibilité de nuire aux autres. Sans quoi les lois les plus morales du Sauveur se transformeraient en lettre morte qui pourrait servir à faire progresser le mal et à supprimer la vertu.

L’amour chrétien doit être semblable à l’amour de Dieu. Mais l’amour de Dieu défend et punit le mal, et l’amour chrétien ne doit souffrir le mal que dans les mesures où il reste plus ou moins indifférent pour la gloire de Dieu et le salut du prochain. Dans le cas contraire il faut borner le mal et le punir, ce qui est le devoir de l’autorité. (Rom., xiii, 1-4.)

Dieu lui-même, quand on le frappa à la joue dit à celui qui l’avait frappé : Pourquoi me frappes-tu ? Et il ordonna à ses disciples d’échapper par la fuite à leurs oppresseurs et insulteurs. L’apôtre Paul, dans le cas d’injustice, au lieu de souffrir sans protester, va demander justice aux autorités, et, au prêtre qui a ordonné de le frapper, il adresse des reproches.

Ne jugez pas : ce n’est pas un simple jugement ou la juste appréciation des actes d’autrui qui sont interdits.