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exécuter les lois et les prophètes ? Je ne suis pas venu exécuter, mais détruire ». Ce n’est que dans cette rédaction que sont compréhensibles les paroles « et les prophètes ». Il est évident que « et les prophètes » a été pris de ce verset et transporté dans un passage où cela n’est pas compréhensible.

4) Le verset 18 a été, jusqu’à maintenant, la pierre d’achoppement des théologiens. Voici ce que dit Reuss[1] :

À première vue on dirait que l’intention du Seigneur est de déclarer, de la manière la plus positive et la plus énergique, qu’il entend maintenir l’autorité absolue de la Loi jusque dans ses moindres parties. (La Loi et les Prophètes, c’est la formule consacrée dans la Synagogue pour désigner les livres saints dont on faisait la lecture à la communauté assemblée. Voyez notre histoire du Canon, chap. i). Mais en y réfléchissant, on est d’abord arrêté par le fait que l’Église chrétienne a mis de côté une bonne partie de la Loi, celle-là même à laquelle les contemporains de Jésus attachaient le plus d’importance ; ensuite on se souvient que l’apôtre Paul a proclamé très hautement la déchéance de la Loi, pour y substituer un principe régulateur tout différent. Enfin on se représente nécessairement les nombreuses occasions où Jésus lui-même, ou bien se met au-dessus de la loi (Marc, ii, 27 ; Matth., xii, 6, etc.), ou bien en proclame la fin (Marc, xiv, 58; Jean, iv, 24), ou la réduit à l’un de ses éléments de manière à écarter les autres ou du moins à les refouler sur l’arrière-plan. (Matth., xxiii, 23 ; vii, 12 ; xxii, 40 ; ix, 13, etc.) ou enfin la condamne directement comme imparfaite. (Matth., xix, 8; comp., xv, 1 et suiv.). À moins de supposer un change-

  1. P. 202, 203.