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ayant rêvé d’être Dieu, c’est Christ qui nous réhabilite par l’humilité. Il a ajouté d’esprit pour que l’homme comprenne qu’il s’agit bien de l’humilité et non de la pauvreté (Jéronime).

Pourquoi donc n’a-t-il pas dit humble mais pauvre ? Parce que ce dernier est plus expressif que le premier. À ceux-ci appartient le royaume du ciel, c’est-à-dire qu’ils sont capables et dignes de recevoir le bonheur dans le royaume du ciel, car un humble, reconnaissant son indignité, s’adonne entièrement à la béatitude divine, n’espérant nullement en ses forces spirituelles ; et la béatitude l’amène au royaume. L’humilité c’est la porte du royaume du ciel.

Et voici ce que dit Reuss[1] :

En général, ces macarismes exaltent la condition de ceux qui préfèrent aux jouissances de ce monde la vie en Dieu et la paix avec le ciel. L’expérience prouve qu’il est douloureux et difficile d’obéir, parce que la faiblesse humaine se heurte contre deux écueils également formidables et dangereux. D’un côté on se trouve en face de l’antipathie du monde qui n’a que le mépris ou la haine pour tout ce qui lui est étranger ; de l’autre côté il y a l’orgueil naturel de l’esprit et les mauvais penchants du cœur, qui nous sollicitent incessamment et nous écartent de la voie du salut. Voilà pourquoi Jésus appelle heureux ceux qui savent éviter ces écueils, vaincre leurs affections vicieuses, reconnaître leur imperfection naturelle, braver les séductions et les menaces d’un monde pervers et hostile, et accepter ce que cette résolution courageusement prise et exécutée peut leur valoir d’épreuves et de tribulations.

Tout cela est peut-être profond, mais ce sont les pensées des Théophilacte, des Jeronime, des Reuss,

  1. Nouveau Testament, t. i, p. 195.