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Et voici ce que dit Reuss[1].

En face des disciples qui croient, se trouvent (ici, pour la première fois) les Juifs qui doutent, qui ne comprennent point, qui refusent de croire. Loin d’être convaincus par ce qu’ils viennent de voir, ils demandent un signe, c’est-à-dire un acte extraordinaire, un miracle, quelque chose enfin qui puisse prouver que Jésus était autorisé à agir comme il l’a fait. Son procédé avait bien eu quelque chose d’imposant, de messianique même (Mat., iii, 1 et suiv.), mais ils exigent une preuve plus palpable, une manifestation plus irrécusable. La réponse que Jésus leur fait a donné lieu à des discussions fort animées parmi les commentateurs.

D’après l’auteur lui-même, voici ce qu’il a voulu dire : Tuez-moi, et en trois jours je reprendrai la vie. En d’autres termes : la résurrection de Jésus sera la preuve la plus éclatante de sa dignité supérieure. Elle l’a été en effet, et toujours, dans l’enseignement apostolique, au point de vue duquel ce discours se comprend parfaitement (Comp. Matth., xii, 40). Si l’on objecte que Jésus n’a pas pu parler ainsi en ce moment, où aucun danger ne le menaçait, où aucun conflit sérieux ne s’était encore élevé entre lui et le parti pharisaïque, on oublie complètement que dans notre livre il ne s’agit pas d’une évolution lente et successive des rapports ou des situations, mais que d’un bout à l’autre nous avons sous les yeux l’antagonisme du monde et de Christ, de la lumière et des ténèbres, et que Jésus n’est représenté nulle part comme ayant besoin d’apprendre peu à peu et par divers incidents qu’il a des adversaires, qu’il court des dangers, qu’il pourra éventuellement être mis à mort. Au contraire, il connaît dès le début tout ce qui arrivera, parce que cela ne dépend pas du caprice des hommes, mais de l’ordre providentiel établi

  1. Reuss. Bible Nouv. Test. Vol. II, p. 137-38.