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Tout culte extérieur ne peut qu’entraver l’accomplissement de l’œuvre de la vie. De sorte que le culte extérieur non seulement n’est pas nécessaire, mais il est nuisible. Christ prend l’acte regardé comme le plus important : l’adoration de Dieu, et, par des exemples, il le montre contraire à l’œuvre du bien, et le nie.

Il semble impossible de ne point comprendre cela. Mais non, l’Église a son interprétation.

Le Seigneur donne un démenti formel à la soi-disant tradition des anciens, qui interdit même les œuvres de miséricorde le jour du sabbat. Quelqu’un voit son unique brebis tomber dans un puits, il y a danger de la perdre, ne tâchera-t-il pas de la tirer de là ? Il le fera sans doute, par pitié pour l’animal, et pour sauver son bien. L’homme est plus important que la brebis. Si vous agissez de façon miséricordieuse le samedi, envers un animal, à plus forte raison vous faut-il agir de même envers l’homme, image de Dieu, l’homme pour le salut duquel est venu le Saint Sauveur.

Il est permis de faire le bien le jour du sabbat. Les Pharisiens ne pouvaient l’ignorer, mais telle est la force des préjugés, des coutumes, de la tradition, qu’une chose abstraitement reconnue juste, mise en pratique est blâmée. Le Seigneur dénonce cette inconséquence[1].

« Le Seigneur dénonce cette inconséquence ». C’est bien, mais cela ne se rapporte pas uniquement au sabbat. Cela se rapporte à toute adoration extérieure de Dieu, dont l’expression la plus frap-

  1. Les interprétations des Évangiles, par l’archevêque Mikhaïl, p. 211.