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saire pour vivre. Et il tire cette conclusion : Si tu ne te jettes pas du toit et si tu crois qu’il faut se garder, alors il faut se garder de tout et faire provision de pain.

Jésus dit : On ne peut comparer le pain à la vie. Il y a une différence. Et le raisonnement conduit Jésus à une tout autre conclusion.

La chair dit : J’ai mis en toi le besoin de me soigner. Si tu penses pouvoir négliger mes exigences, et ne pas manger quand tu as faim, ne pense pas cependant que tu peux t’enfuir de moi. Si tu négliges mes exigences, c’est seulement que tu négliges les unes pour les autres, tu les sacrifies pour un temps, provisoirement, mais, néanmoins, tu vis pour la satisfaction de mes besoins. Tu sacrifies certains besoins aux autres, mais la chair elle-même tu ne la sacrifieras point ; c’est pourquoi tu ne t’enfuiras pas de moi, et toujours, comme tous les autres hommes, c’est moi seule que tu suivras.

C’est cette vérité indiscutable que Jésus-Christ met à la base de son raisonnement, et, dès les premiers mots, reconnaissant toute la justesse de ses raisonnements, il place la question à un autre point de vue. Il se demande : Qu’est-ce que ce besoin de soigner ma chair, qui est en moi, cette lubricité, et cette lutte intérieure contre la chair ? Et il répond : C’est en moi la conscience de la vie. Qu’est-ce donc que cette conscience de la vie ? La chair n’est pas la