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Le diable. — Si ce n’est pas la chair qui donne la vie, alors l’homme est affranchi de la chair et de ses besoins. Si tu es libre, jette-toi en bas, les anges te soutiendront. Tue ta chair peu à peu ou tue-la d’un coup.

Jésus. — La vie du corps provient de Dieu. C’est pourquoi on ne peut murmurer contre elle ni douter d’elle.

Le diable. — Tu dis : Pourquoi le pain ? et tu as faim. Tu dis : la vie est à Dieu, en l’esprit, et tu gardes bien ton corps. Alors tout cela n’est que balivernes. Ce n’est pas avec toi qu’a commencé le monde ni avec toi qu’il finira. Regarde les hommes. Ils ont vécu et vivent. Ils amassent le blé et le gardent ; et ils l’amassent non pour un jour, non pour une année, mais pour des années, et non le blé seul, mais tout ce dont ils ont besoin. Ils veillent à ne pas tomber, à ne pas être tués accidentellement, à ne pas être offensés. Si tu veux manger, alors travaille. Si tu as peur pour ton corps, alors soigne-le. Respecte ta chair, travaille, et tu vivras, et elle te récompensera.

Jésus. — L’homme ne vit pas de la chair, mais de Dieu. On ne peut pas douter de la vie qui vient de Dieu, et dans cette vie, il faut respecter Dieu seul et travailler pour lui seul.

Tous les raisonnements du diable, c’est-à-dire de la chair, si l’on se place à son point de vue, sont indiscutables et irréfutables. Le raisonnement du