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l’autre qu’il choisit, sont très clairement exprimés. Les deux raisonnements sont remarquables en cela que les systèmes philosophiques, et les systèmes de morale, les sectes religieuses, les différentes directions de la vie à telle ou telle période historique n’en sont que les différentes faces. Dans chaque entretien sérieux sur l’importance de la vie, sur la religion, dans chaque cas de lutte intérieure d’un individu, se répètent les mêmes raisonnements de cette conversation du diable avec Jésus, ou de la voix de la chair avec celle de l’esprit. Ce que nous appelons le matérialisme n’est autre chose que la chaîne de tous les raisonnements du diable. Ce que nous appelons l’ascétisme n’est que la suite logique de la première réponse de Jésus-Christ : ce n’est pas de pain que l’homme se nourrira.

Les sectes des suicidés, la philosophie de Schopenhauer et de Hartmann, ne sont que le développement du second raisonnement du diable, qui, dans sa forme simplifiée est le suivant :

Le diable. — Fils de Dieu, tu as faim. Avec des paroles tu ne feras pas de pain. Tu peux dire de Dieu ce que tu voudras, mais ton estomac demande du pain. Si tu veux rester vivant, travaille, fais provision de pain.

Jésus. — L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de Dieu. Ce n’est pas la substance charnelle qui donne la vie à l’homme, mais l’autre : l’esprit.