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pourquoi Dieu le punit avec toute sa postérité. Par cette punition, l’homme se trouvait, en regard du bien et du mal, exactement dans la même situation qu’avant la chute. Par conséquent, toute cette doctrine n’explique rien de la question essentielle sur la liberté de l’homme et calomnie seulement Dieu, sa bonté, sa justice, puisqu’il punit les descendants d’Adam pour un crime qu’ils n’ont point commis. Si la doctrine de la chute expliquait quelque chose, on pourrait comprendre le motif raisonnable qui fit transporter la question du domaine de la conscience dans celui de la fable. Mais il n’y a aucune explication sur la question de la liberté de l’homme, le prétexte de cette invention dut donc être tout autre. Ce prétexte, nous le trouvons dans le dogme de la rédemption. L’Église affirme que Christ a racheté les hommes du mal et de la mort. S’il les a rachetés, alors se pose la question : D’où sont venus le mal et la mort ? Et l’on invente le dogme de la chute. Christ-Dieu a sauvé les hommes du mal et de la mort ; mais les hommes sont les créatures du même Dieu bon ; comment donc le mal et la mort pouvaient-ils paraître parmi eux ? Sur cette question, apparaît le mythe de la chute.

Adam, abusant de la liberté qui lui était donnée, a fait le mal, il a péché, et lui et tous ses descendants ont perdu l’immortalité, la connaissance de Dieu, et la vie sans travail. Christ est venu et il a rendu à l’humanité tout ce qu’elle avait perdu.