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aucune idée. C’est pourquoi, quelle que fût l’autorité me l’affirmant, — tous les patriarches vivants et morts d’Alexandrie et d’Antioche, ou même une voix du ciel me criant sans cesse : « Je suis un et trois », — je resterais dans le même état, non d’incrédulité (il n’y a rien ici en quoi l’on puisse croire) mais d’étonnement, me demandant ce que signifient ces paroles, en quelle langue et d’après quelles lois elles peuvent recevoir un sens quelconque.

Pour moi, homme élevé dans l’esprit de la religion chrétienne, qui ai gardé après toutes les erreurs de ma vie la conscience vague de ce qu’il y a en elle de vérité ; pour moi qui, par les errements de la vie et les écarts de la raison, suis arrivé à la négation de la vie et à un désespoir terrible ; pour moi qui ai trouvé le salut en m’associant à l’esprit de cette religion que je sentais seule capable de mouvoir l’humanité par la force divine ; pour moi qui cherche l’expression supérieure, accessible à moi, de cette religion ; pour moi, qui crois avant tout, en Dieu, mon Père, en celui par la volonté de qui j’existe, souffre et cherche péniblement sa révélation ; pour moi, admettre que ces paroles sacrilèges sont l’unique réponse, qu’à ma prière je ne puis apprendre de mon Père comment je dois le comprendre et l’aimer : pour moi, c’est impossible.

Il m’est impossible de croire que Dieu, mon Père, si bon (d’après la doctrine de l’Église), sa-