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lui.) Volodia était visiblement gêné chaque fois que je commençais à parler (ce qui était tout à fait inutile, parce que, comme je me le rappelle, je ne dis rien de particulièrement sot). Lorsqu’on servit le champagne, tous me félicitèrent, et bras dessus, bras dessous, je bus avec Doubkov et Dmitri à notre futur tutoiement et les embrassai. Comme je ne savais pas qui offrait la bouteille de champagne qu’on venait de servir (on m’expliqua après qu’elle était commune), je voulus régaler mes amis avec mon argent, que je touchais sans cesse dans ma poche. Je tirai en cachette un billet de dix roubles et, appelant le garçon, je lui donnai l’argent, et en chuchotant, mais de façon que tous l’entendirent, car ils me regardèrent en silence, je lui dis d’apporter, s’il vous plaît, encore une demi-bouteille de champagne. Volodia rougit, secoua l’épaule et regarda, effaré, moi et les autres, si bien que je sentis que j’avais fait une gaffe. Mais, cependant, on apporta une demi-bouteille, nous la bûmes avec plaisir, et tout sembla continuer très gaiement. Doubkov mentait sans cesse et Volodia racontait des histoires drôles que je n’aurais pas attendues de lui, et nous riions beaucoup. Le caractère de leurs « blagues » consistait en l’imitation et l’exagération d’une anecdote très connue : « Eh bien, vous étiez à l’étranger ? » demande l’un. — « Non, je n’y étais pas, — répond l’autre, — mais mon frère joue du violon. » Dans ce genre de comique par l’absurde