Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il était nécessaire de le faire immédiatement, et je l’ajournai à plus tard. Toutefois, une circonstance me consolait, c’est que chacune des idées qui me venaient maintenant en tête rentrait tout à fait dans l’une des divisions de mes devoirs envers le prochain, envers moi-même ou envers Dieu : «Voilà, je mettrai cela là-bas, et encore beaucoup, beaucoup d’idées qui me viendront désormais sur ce sujet,» — me disais-je. Actuellement, il m’arrive souvent de me demander : « À quel moment étais-je plus près du bien et plus raisonnable : quand je croyais à l’omnipotence de l’esprit humain, ou maintenant que, perdant la force de développement, je doute de la force et de l’importance de l’esprit humain ?» — Et je ne puis donner à cette question une réponse positive.

La conscience de la liberté, et cette impression du printemps, de l’attente de quelque chose, dont j’ai parlé déjà, m’empoignèrent à un tel point, que je n’étais absolument plus maître de moi, et que je me préparais très mal aux examens. Il m’arrivait d’être occupé, le matin, dans la salle d’études, et je savais qu’il m’était tout à fait nécessaire de travailler, car demain il y aurait l’examen sur une matière dont je n’avais pas encore lu deux questions : mais subitement une odeur de printemps souffle par la fenêtre ; il me paraît indispensable de me rappeler immédiatement une certaine chose : d’elles-mêmes, mes mains tombent