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Il entra dans son cabinet.

Il y avait quelque chose d’offensant dans sa façon de dire : « Ça, c’est bien », comme on dit à un enfant qui cesse de faire des caprices ; et encore plus blessante était la contradiction entre son ton humble et l’assurance de Vronskï, aussi sentit-elle le désir de la lutte se soulever en elle. Mais par un effort de volonté elle le réprima et se montra à Vronskï avec la même gaîté. Quand il revint elle lui raconta comment elle avait passé sa journée et lui fit part de ses plans de départ.

— C’est presque une inspiration que j’ai eue, dit-elle. Pourquoi attendre ici le divorce ? N’est-ce pas la même chose à la campagne ? Je ne puis plus attendre ! Je ne veux pas espérer, je ne veux pas entendre parler du divorce ; j’ai résolu que cela n’aurait plus aucune influence sur ma vie. N’ai-je pas raison ?

— Sans doute, dit-il regardant avec inquiétude son visage ému.

— Qu’avez-vous fait là-bas ? Qu’y avait-il ? demanda-t-elle après un court silence.

Vronskï nomma les convives.

— Le dîner était assez bon ; puis il y a eu des courses de canots, tout cela était assez gentil, mais à Moscou, il faut toujours qu’il y ait quelque chose de ridicule : une dame est venue, le professeur de natation de la reine de Suède, et elle a montré son art.