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très légère. D’ailleurs Anna avait beau faire, elle ne pouvait aimer cette enfant, ni même feindre de l’aimer.

Le soir du sixième jour, la crainte de l’abandon de Vronskï devint si grande qu’elle voulut partir ; mais après avoir réfléchi, elle se contenta d’écrire ce billet étrange, que Vronskï reçut, et sans le relire, l’envoya par un exprès.

Le lendemain matin, elle reçut sa lettre et regretta de lui avoir écrit. Aussitôt elle fut prise de la crainte de revoir ce regard froid et sévère, qu’il avait jeté sur elle en partant, surtout quand il apprendrait que sa fille n’avait pas été sérieusement malade. Malgré tout, elle était contente de lui avoir écrit. Maintenant Anna s’avouait qu’il se refroidissait à son égard, qu’il abandonnerait à regret sa liberté pour retourner près d’elle, néanmoins elle était heureuse de son retour. Qu’il soit froid, mais qu’il soit ici, près d’elle, qu’elle connaisse chacun de ses mouvements !

Assise, au salon, sous la lampe, elle lisait un livre nouveau de Taine, écoutant au dehors les rafales du vent, et croyant à chaque instant entendre la voiture. Après s’être trompée plusieurs fois, elle entendit distinctement la voix du cocher et le roulement de la voiture sous le péristyle. La princesse Barbe, qui faisait une patience, l’entendit également. Anna se leva en rougissant. Mais au lieu de courir à sa rencontre comme elle le faisait d’habi-