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il ne me regardait pas ainsi autrefois ; et ce regard signifie beaucoup… Il se refroidit à mon égard… » pensa-t-elle.

Malgré cette conviction, elle ne pouvait rien faire : elle ne pouvait en rien modifier leurs relations. Maintenant comme autrefois, elle ne pouvait le retenir que par l’amour et l’attrait. En accumulant les occupations dans la journée, en prenant de la morphine la nuit, elle chercha à chasser la terrible vision de ce qu’il arriverait s’il cessait de l’aimer.

Il est vrai qu’il y avait encore un moyen, non pour le retenir — pour cela elle ne voulait que son amour — mais pour être liée à lui de façon qu’il ne la puisse pas quitter ; c’était le divorce et le mariage. Et elle résolut de ne plus résister sur ce point et d’y consentir dès que lui ou Stiva lui en parlerait.

Elle vécut avec de telles pensées pendant les cinq premiers jours de son absence.

Les promenades, les conversations avec la princesse Barbe, les visites à l’hôpital et principalement la lecture remplissaient ses journées. Mais le sixième jour, quand le cocher revint seul, elle sentit qu’elle n’avait plus la force d’étouffer ses pensées sur lui et sa vie loin d’elle. Sur ces entrefaites sa fille tomba malade. Elle se mit à la soigner ; mais cela non plus ne parvenait pas à la distraire, la maladie de la fillette était, il est vrai,