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à Philippe de lui en servir ; or non seulement il n’y avait plus de pâtés, mais il ne restait pas même de poulet.

— Il en a un appétit ! dit Oblonskï riant et désignant Vassenka Veslovski. Moi, je ne puis me plaindre du mien, mais le sien est extraordinaire…

— Qu’y faire ? dit Lévine, jetant un regard sombre vers Veslovski. Philippe, donne-moi de la viande.

— On a mangé la viande, et donné l’os au chien répondit Philippe.

Lévine était si contrarié qu’il dit avec dépit, prêt à pleurer :

— On aurait vraiment pu me laisser quelque chose. Eh bien, vide le gibier, et enveloppe-le d’orties, dit-il d’une voix tremblante à Philippe, en tâchant de ne pas regarder Vassenka. Et va me chercher au moins du lait.

Sa faim apaisée par le lait, il fut confus d’avoir témoigné si vivement son désappointement devant un étranger, et se moqua lui-même de sa colère d’affamé.

Le même soir, après une dernière chasse où Vassenka tua quelques pièces, les chasseurs reprirent le chemin de la maison.

Le retour fut aussi gai que l’aller. Veslovski tantôt chantait, tantôt se rappelait joyeusement son aventure avec les paysans qui l’avaient régalé d’eau-de-vie, lui répétant ; « Ne t’offense pas » ;