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venait seulement de celui d’Enoch parce que c’était son personnage favori dans l’histoire sainte et qu’à son ascension aux cieux s’unissait dans sa tête une longue suite de pensées qui l’absorbaient complètement, tandis qu’il regardait fixement la chaîne de montre de son père et un bouton à demi déboutonné de son gilet.

Serge ne croyait point à la mort dont on lui parlait si souvent. Il n’admettait pas la mort de ceux qu’il aimait ; il n’admettait pas surtout que lui-même pût mourir ; c’était pour lui absolument impossible et incompréhensible.

Cependant on lui disait que tout le monde doit mourir ; il avait interrogé beaucoup de personnes en qui il avait foi et toutes disaient la même chose. Sa bonne elle-même, bien qu’à contre-cœur, le lui avait affirmé. Mais alors pourquoi Enoch n’était-il pas mort ? C’est donc que tous ne meurent pas. Pourquoi d’autres que lui ne mériteraient-ils pas de monter vivants au ciel comme lui ? pensait-il. Les méchants, c’est-à-dire ceux que Serge n’aimait pas, pouvaient mourir, mais les bons pouvaient bien être dans le cas d’Enoch.

— Eh bien, ces patriarches ?

— Enoch… Enos…

— Tu les as déjà nommés. C’est mal, Serge, très mal. Si tu ne cherches pas à t’instruire des choses essentielles à un chrétien, qu’est-ce donc qui t’occupera ? dit le père en se levant. Je suis mécon-